mardi 13 mai 2008

DES PLUIES DILUVIENNES RALENTISSENT LES SECOURS EN BIRMANIE

par Aung Hla Tun
RANGOUN (Reuters) -

Les pluies diluviennes qui s'abattent sur le delta de l'Irrawaddy, dans le sud de la Birmanie, entravent la distribution des secours aux rescapés du cyclone "Nargis", dont le nombre est estimé à plus d'un million et demi.
Onze jours après le passage de "Nargis", l'aide humanitaire arrive toujours au compte-gouttes dans les zones sinistrées et de nombreuses voix s'élèvent pour dénoncer l'attitude de la junte militaire au pouvoir, accusée de fermer ses frontières aux équipes de secours internationales.
"La réponse du régime birman à la crise est absolument impitoyable et ceux qui en payent aujourd'hui le prix sont des personnes qui souffrent depuis longtemps", a estimé le Premier ministre australien Kevin Rudd.
Au lendemain de l'arrivée d'un premier gros porteur américain C-130, un avion australien a atterri à Rangoun avec à son bord 31 tonnes de produits de première nécessité, de kits sanitaires, de couvertures et d'eau potable.
Deux autres appareils américains doivent atterrir dans la soirée en Birmanie, un pays décrit par Washington quelques jours plus tôt comme un "bastion de la tyrannie".
Pendant ce temps-là, des dizaines de milliers de personnes sont toujours dans l'attente d'une aide humanitaire, réfugiés dans des monastères, des écoles, et dans tout autre bâtiment que le cyclone n'a pas emporté.
En proie à la famine, au manque d'eau potable et à des conditions sanitaires déplorables, les rescapés de "Nargis" doivent par ailleurs faire face au danger du choléra.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a toutefois déclaré mardi qu'aucun cas n'avait été détecté pour l'heure.
Les pluies diluviennes qui s'abattent sur le pays n'arrangent en rien la situation, ralentissant considérablement l'acheminement de l'aide internationale.
"Je me trouve dans un endroit où il y a actuellement près de 10.000 personnes sans abri et il pleut à verse", a témoigné notamment une responsable de la Croix Rouge internationale, Bridget Gardener.
"TOUS LES MOYENS"?
Les mauvaises conditions météorologiques conjuguées à l'inflexibilité des généraux birmans plongent le pays dans une situation catastrophique où les agences internationales semblent impuissantes, suspendues à un geste d'ouverture de la junte.
Le Programme alimentaire mondial (Pam) a ainsi indiqué lundi qu'il était en mesure de livrer seulement 20% des 375 tonnes journalières qu'il faudrait normalement distribuer aux rescapés.
De même, l'association Médecins sans frontières (MSF) a dit que ses membres, toujours bloqués à la frontière thaïlandaise dans l'attente de visas, faisaient face à "des restrictions de plus en plus importantes" de la part des autorités de Naypyidaw (NDLR: nouvelle capitale des généraux).
De retour d'une expédition à Bogalay, où au moins 10.000 personnes ont trouvé la mort, un homme d'affaires birman a affirmé que l'armée s'appropriait directement l'aide humanitaire internationale.
"Il y a toujours des villages dans des zones très touchées où des personnes sont dépourvues de tout", a indiqué cet homme ayant requis l'anonymat.
"Autour de Bogalay, les donateurs privés n'ont pas le droit de distribuer l'aide directement aux victimes. Nous avons dû laisser sur place ce que nous avions", a-t-il poursuivi.
A New York, le secrétaire général de l'Onu Ban Ki-moon a exprimé sa "immense frustration" et son "grande préoccupation" par rapport la "lenteur inacceptable" de la distribution de l'aide internationale.
Le Haut représentant de l'Union européenne dans le domaine des Affaires étrangères, Javier Solana, a estimé de son côté qu'il fallait utiliser "tous les moyens" pour contourner la fermeté birmane, évoquant à Bruxelles la possibilité de largages de colis humanitaires dans certaine régions, hypothèse susceptible de provoquer l'ire de la junte.
L'Onu estime que le passage de "Nargis" pourrait avoir fait près de 100.000 victimes alors que le dernier bilan officiel fourni par les généraux birmans fait état de près de 32.000 morts et d'environ 30.000 disparus.
Aung Hla Tun, version française Olivier Guillemain

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