jeudi 15 mai 2008

Face à la pression, la Birmanie entrouvre timidement ses portes mer.
mai 14, 2008 par Aung Hla Tun
RANGOUN (Reuters) - La junte au pouvoir en Birmanie, en proie à une pression internationale croissante pour ouvrir en grand ses portes à l'aide humanitaire, envoie un premier signe d'espoir tout relatif en autorisant 160 travailleurs humanitaires asiatiques à pénétrer dans le pays.
Ce personnel humanitaire en provenance du Bangladesh, de Chine, d'Inde et de Thaïlande a été invité par les militaires au pouvoir à participer aux opérations de secours à destination des victimes du cyclone Nargis, qui aurait fait jusqu'à 100.000 morts et disparus dans le delta de l'Irrawaddy.
Ce geste, aussi symbolique que dérisoire, n'est qu'une goutte d'eau en rapport aux milliers de travailleurs humanitaires étrangers qui attendent l'ouverture des frontières birmanes pour lancer une opération de grande ampleur, semblable à celle qui avait suivi le tsunami de décembre 2004 en Asie.
Après avoir craint qu'une dépression tropicale tourbillonnant au sud-est de Rangoun ne se transforme en cyclone dans les prochaines 24 heures, les prévisionnistes se montraient plus rassurants mercredi en fin de journée.
"Cela relève du système de la mousson. Il n'y a pas à s'inquiéter. Il est vraiment peu probable que cela se développe en un cyclone semblable à Nargis", a déclaré à Reuters A.R. Subbiah, du Centre asiatique de prévention des catastrophes naturelles, basé à Bangkok.
A Genève, l'Organisation météorologique mondiale de l'Onu a déclaré qu'elle prévoyait des orages avec des pluies importantes et des vents soutenus mais rien de semblable à un cyclone.
La Fédération internationale de la Croix-Rouge redoute toutefois ces pluies qui "pourraient représenter le pire scénario imaginable" en provoquant des inondations sur des sols déjà saturés d'eau.
LA THAÏLANDE TENTE UNE MEDIATION AVEC LA JUNTE
Le Premier ministre thaïlandais, Samak Sundaravej, a par ailleurs rencontré pendant deux heures et demie son homologue birman, Thein Sein, pour tenter, en vain, de le convaincre d'ouvrir les portes du pays aux personnels étrangers.
"(Thein Sein) a insisté sur le fait que son pays de 60 millions d'habitants avait un gouvernement, une population et un secteur privé capables de s'attaquer au problème eux-mêmes", a déclaré Samak à son retour à Bangkok.
"Il n'y a pas d'épidémies ou de famine. Ils n'ont pas besoin d'experts mais veulent recevoir de l'aide de tous les pays", a-t-il ajouté.
Un avis que ne partage pas Louis Michel, le commissaire européen à l'Aide humanitaire. "Il y a un risque de pollution de l'eau, un risque de famine à cause de la destruction des réserves de riz", a-t-il dit à la presse à Bangkok, avant un déplacement prévu à Rangoun.
"Nous voulons convaincre les autorités de notre bonne foi. Nous sommes là pour des raisons humanitaires", a-t-il ajouté, rejetant l'idée d'une intervention unilatérale de la communauté internationale, sans autorisation de la junte birmane. "Je pense que ce ne serait pas la meilleure solution."
La France avait évoqué cette éventualité mardi lors d'un sommet européen à Bruxelles, appelant les Nations unies à agir, même sans l'accord de la junte, au nom du principe onusien de la "responsabilité de protéger".
L'inquiétude inspirée par le sort des 1,5 million de victimes s'accroît à l'étranger, les Nations unies et des pays occidentaux ayant laissé entendre que les sinistrés étaient peut-être victimes de détournements de l'aide qui leur est destinée.
"C'EST AFFREUX"
D'après des experts, les sinistrés ne recevraient qu'un dixième de l'aide nécessaire dans le delta de l'Irrawaddy.
"C'est affreux. Les gens sont dans un besoin désespéré, ils prient lorsque des véhicules passent à proximité", a témoigné à Reuters Gordon Bacon, coordinateur du Comité de secours internationaux, par téléphone depuis Rangoun.
Le Programme alimentaire mondial, qui est à la recherche d'hélicoptères pour acheminer du riz et des biscuits énergétiques, a déclaré avoir livré de la nourriture à 50.000 personnes et espère venir en aide à 750.000 personnes dans les six mois.
Les rescapés de Nargis, confrontés au manque d'eau, de nourriture et de conditions d'hygiène élémentaires, sont aussi sous la menace d'épidémies comme le choléra. "Si l'aide ne parvient pas à ces gens rapidement, avec des abris et des toilettes, des maladies vont se déclarer", a prévenu Gordon Bacon.
Un haut responsable des services de santé thaïlandais a fait savoir à Reuters que Bangkok allait envoyer une équipe de 30 médecins avec dix tonnes de matériel qui lui permettront de travailler pendant deux semaines.
L'armée américaine a par ailleurs procédé à des nouveaux vols humanitaires, portant à huit le nombre de ses navettes à destination de Rangoun. "Nous n'avons pas de confirmation pour des vols futurs mais nous sommes très optimistes", a déclaré le colonel Douglas Powell.
Trois bâtiments de la marine américaine, qui mouillent dans les eaux internationales au large de la Birmanie, attendent également le feu vert des autorités.

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